dimanche 1 avril 2007

Et voilà le travail...

Écoles juives,écoles grecques
Lysiane Gagnon
La Presse, le 21 mars 2007

Tiens, tiens, le chat est sorti du sac et il ne se passe rien. Pas un mot, pas une réaction.

Vous souvient-il, lecteur, du gigantesque tollé qu'avait suscité, en janvier 2005, la décision du gouvernement Charest de financer à 100% les écoles privées juives? C'était le scandale du siècle, on en parle encore.

Vous souvient-il, lecteur, que cette décision reposait sur un précédent? En 1978, le gouvernement Lévesque avait octroyé le même statut à deux écoles privées grecques. Les Juifs ne faisaient que s'engouffrer dans une porte déjà ouverte depuis 27 ans, mais ce qui passait dans le cas des Grecs ne passait pas pour eux. Sous les opprobres et les hurlements de l'opinion publique, le gouvernement Charest battit en retraite.

Or, qu'apprend-on cette semaine? Les écoles privées grecques viennent de voir leurs privilèges reconduits. Elles resteront financées à 100%.

La Presse, jeudi 15 mars, page A-16: «Les écoles privées grecques de Laval vont continuer à être subventionnées, contrairement à ce qui avait été annoncé l'an dernier. C'est le ministère de l'Éducation qui a fait pression sur la Commission scolaire de Laval pour qu'elle prolonge les ententes la liant aux écoles grecques jusqu'en 2008.»

La Commission scolaire de Montréal aurait-elle aussi prolongé l'entente, mais dans le cas de Laval, c'est du ministère qu'est venue la pression. «La communauté grecque nous a sensibilisés» (sic), de dire la porte-parole du ministre.

Tiens, tiens, et cela se produit au beau milieu de la campagne électorale, alors que les libéraux tentent de reprendre au PQ le comté de Laurier-Dorion (l'un des bastions de la communauté grecque longtemps détenu par Christos Sirros).

Cela ressemble fort à une petite manoeuvre électoraliste pour faire plaisir à la communauté grecque, mais le pire, c'est le «deux poids, deux mesures». On finance à 100% les écoles grecques depuis près de trente ans, personne ne crie. Mais quand on pense à octroyer le même statut à des écoles juives, tout le monde déchire sa chemise, on parle d'accointances honteuses, de privilège acheté, de puissance occulte, bref c'est un autre complot juif.

Dans notre folklore politique, cet incident - une banale erreur politique qui a été démesurément grossie et a donné lieu, sur le web et ailleurs, à un déluge de propos antisémites - est encore considéré comme l'une des pires bourdes du gouvernement Charest

Cette semaine, on apprend que les écoles grecques gardent les privilèges que demandaient les écoles juives. Et personne ne réagit. Double standard

J'ai toujours été opposée à au financement public intégral des écoles religieuses privées, quelles qu'elles soient. Mais là n'est pas la question. On parle ici d'équité. Or, le cas des écoles grecques est beaucoup moins défendable que celui des écoles juives.

Ces dernières ont été fondées, on le sait, parce que les Juifs, même ceux qui à l'époque voulaient s'y intégrer, étaient exclus du secteur catholique et renvoyés aux écoles protestantes. L'histoire est de leur côté. Qui plus est, contrairement aux écoles juives, dont les standards académiques sont exceptionnellement élevés, le mini-réseau scolaire grec semble en très piètre état.

Dans les écoles grecques de Laval, 22 des 102 enseignants n'avaient pas de permis d'enseigner l'an dernier. Il y a quelques années, un dirigeant de l'école Socrate a été accusé d'avoir effectué pour 24000$ d'appels érotiques et en juin 2005, ses enseignants faisaient grève faute d'avoir été payés. À l'école Démosthène, le nombre d'élèves a fondu de moitié en huit ans. Selon la Commission consultative de l'enseignement privé, la communauté hellénique, titulaire du permis de ces écoles, a un déficit accumulé dépassant 10 millions$, et son taux d'endettement serait de 976%.

Mais surtout, les écoles grecques n'ont même pas respecté leurs engagements. En échange des subventions, elles devaient s'engager à mettre sur pied des programmes d'intégration de leurs élèves à la majorité française. Avec, on présume, quelque obligation de résultat

Or, après 30 ans, alors que la communauté juive est extraordinairement bilingue (tous ses jeunes le sont et le réseau privé juif enseigne intensivement le français), la communauté grecque reste fortement anglicisée, et la moitié des jeunes se dirigent vers l'école anglaise une fois sortis de l'école grecque. En 2005 déjà, la CSDM laissait savoir qu'aucune activité conjointe n'avait été organisée avec l'école Socrate depuis des années, et cela semblait être aussi le cas de l'école Démosthène à Laval.

Deux poids, deux mesures

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