mercredi 13 février 2008

Retour des Israéliens à Gaza ?

Ci-dessous une très intéressante analyse. Malheureusement, je crois, qu'une fois de plus, Israël après une victoire sur le terrain ne pourra pas gérer le prolongement politique.

La solution n'est pas dans une reprise en main de la bande de Gaza par le Fatah. L'OLP se gardera bien de saisir cette opportunité, par peur de prendre ses responsabilités et surtout par calcul politique. En effet, il est plus intéressant pour l'OLP de mettre Israël en mauvaise posture (le vilain occupant) que de gérer un territoire et sa population.

La meilleure solution pour Israël serait de rendre Gaza à l'Égypte qui par "solidarité arabe" devra aider les populations locales et pallier à l'arrêt d'envoi de carburant, d'électricité, de nourriture, etc. provenant d'Israël. On arrêterait au passage une incongruité dans laquelle Israël se trouve en étant le seul pays au monde à fournir de l'électricité et de l'aide humanitaire à un pays qui le bombarde 365 jours par an. Imaginons le Québec continuer d'envoyer des vivres et à soigner dans des hôpitaux de Montréal des habitants d'Ottawa qui enverraient 2 500 roquettes et obus par an sur Gatineau.
AB*


Une operation majeure est inéluctable à Gaza (info # 011202/8) [Analyse]
Par Jean Tsadik © Metula News Agency

J’étais dimanche dernier à Sdérot quand le ministre israélien de la Défense, M. Ehoud Barak, y est venu faire un état des lieux. Il a répété aux officiels de la ville les grandes lignes de la stratégie de Tsahal afin de réduire les tirs de Qassam sur le Néguev occidental : des actions ponctuelles et ciblées contre les lanceurs de ces roquettes, leurs commanditaires, ainsi que contre les ateliers de fabrication et les entrepôts de stockage.

Partout où le ministre se rendait, il était accueilli par une population exaspérée, qui lui répétait que "sa" conception ne fonctionnait pas, que les tirs et les destructions ne diminuaient pas mais qu’ils augmentaient, au contraire. J’ai vu, à cette occasion, le désarroi d’Ehoud Barak, j’ai vu – fait extrêmement rare sur le visage de cet iceman -, qu’au contact des habitants sinistrés, sa conception évoluait.

Depuis, les Sdérotins et les havérim (camarades) des kibboutzim voisins ont entrepris des actions spectaculaires en vue de sensibiliser le reste de la population israélienne. Ils ont ainsi bloqué des autoroutes et la ceinture de contournement de Tel-Aviv. Leur message : "Sdérot c’est Tel-Aviv !". Et on ne peut pas leur donner tort : si une seule roquette explosait sur le Goush Dan, la métropole et sa banlieue, en provenance de Qalkilya, par exemple, l’armée investirait le même jour cette cité de Cisjordanie. Les gens de Sdérot sont venus dire à leurs compatriotes du centre du pays, qu’ils devaient être logés à la même enseigne, que ce qui n’est pas supportable à Tel-Aviv ne l’est pas non plus chez eux.

Je ne saurai dire pour combien a compté la révolte des Sdérotins, mais à la tête de l’Etat et de l’armée, la décision de réinvestir Gaza est prise. A moins d’un arrêt inattendu des tirs de roquettes sur les agglomérations du Néguev, Tsahal va se livrer à une opération militaire majeure à Gaza. L’armée est prête, ce n’est plus qu’une question de jours, de semaines, tout au plus et de conditions météorologiques. Il serait sage d’attendre un peu afin que les engins lourds ne s’engluent pas dans les sables détrempés de la bande côtière. Mais si d’aventure un Qassam ou un obus de mortier tuait des civils israéliens avant que les conditions les plus favorables ne soient réunies, l’IDF passerait à l’assaut, sans attendre le soleil.

Ehoud Olmert, en visite officielle à Berlin, s’emploie à recevoir le soutien de Madame Merkel, en Allemagne et au sein de l’Union Européenne pour la reconquête de Gaza. Il rencontre de l’entendement. Barak va se rendre en Turquie pour persuader le gouvernement ottoman, mais surtout les chefs de l’armée, que l’Etat hébreu n’a plus le choix, qu’il ne peut plus composer avec les atteintes grandissantes des Qassam contre sa population, ni avec la menace rampante que font peser les chefs du califat auto déclaré de Gaza sur le Sud de son pays.

Tout ceci posé, cela ne sera pas une guerre joyeuse. Gaza est un bourbier, même lorsqu’il n’y pleut pas. On n’y compte peut-être pas un million et demi de personnes, comme mentionné dans un récent recensement publié par l’Autorité Palestinienne, mais, même si les chiffres revisités par Sami El Soudi, faisant état de 900 000 à un million d’individus, sont exacts, les combats auront lieu dans un territoire d’une densité considérable.

Stratégiquement parlant, la réoccupation de la bande est vraiment un pis aller : parce que les quelque 11 000 miliciens islamistes ont eu tout le temps nécessaire pour se préparer à l’invasion annoncée, pour s’armer en conséquence et pour truffer le terrain de charges explosives enfouies, de pièges et d’autres surprises désagréables. Tsahal va perdre des hommes dans l’affaire, et l’on pleurera à nouveau dans les chaumières de Galilée et les gratte-ciels de Jérusalem, de Tel-Aviv et de Haïfa. Il ne faut toutefois pas exagérer l’ampleur des pertes à venir : l’armée a dressé des plans intelligents, économes en vies humaines, y compris au sujet des victimes civiles collatérales. Elle est adéquatement équipée et dispose d’avantages qualitatifs et quantitatifs conséquents. S’il est vrai que les combats dans les ruelles minuscules des camps de réfugiés seront périlleux pour les assaillants, les miliciens islamistes auront le désavantage de devoir s’engager dans un combat qui n’est pas fait pour eux. Ce sont des cellules formées pour les actes terroristes et pour les coups de poing, mais qui ne pèseront pas lourd, face à une armée aguerrie, lors d’une bataille durant laquelle ils auront un territoire à défendre.

A Tsahal, la charge de l’efficacité et de la rapidité : un conflit qui s’étirerait générerait de grosses vagues de protestations au sein du monde arabo-musulman ainsi qu’un élan de sympathie dans le monde libre. A Tsahal, aussi, d’épargner au maximum les civils, si Israël ne veut pas voir des images déchirantes pavoiser la une des media et du Net. Les media sont demandeurs de ces photos et les Palestiniens sont passés maîtres dans le domaine de la victimisation.

Dans les faits, tactiquement, le gouvernement de Jérusalem a le choix entre trois variantes d’intervention, de la plus limitée à la réoccupation totale de la bande. Israël pourrait n’occuper "qu’une" section de sécurité, de six à sept kilomètres de profondeur, à mesurer de la frontière, dans le centre et le Nord de la bande. Six à sept kilomètres, c’est la distance que parcourent le 80% des roquettes aux mains des terroristes islamistes. Les avantages : une opération limitée et rapide, et éviter les charges légales incombant à l’occupant en cas de réoccupation générale. Les points faibles : le maintien du Hamas et de son arsenal, et la poursuite des tirs, quoique réduits en nombre, sur le Néguev.

Seconde variante : la réoccupation de la Voie Philadelphie, la frontière entre Gaza et l’Egypte. Une opération d’un jour ou deux. Cela aurait le mérite d’assécher les approvisionnements en armes et en munitions de la Résistance islamique, mais les tirs de Qassam se poursuivraient plusieurs mois durant, avant que la pénurie ne donne ses fruits.

Troisième possibilité : la réoccupation globale de la bande de Gaza. Israël redeviendrait l’occupant d’un territoire qu’elle a eu tant de mal à abandonner en 2006, avec, à charge pour elle, de pourvoir à l’approvisionnement en nourriture, en énergie, les services de santé publique et la sécurité des habitants. Pour ce faire, Tsahal devrait conserver, en permanence, entre 15 et 30 000 militaires stationnés dans le territoire réoccupé, et prévoir les budgets de cette politique en conséquence.

L’avantage de la troisième hypothèse, c’est qu’elle permettrait à l’Etat hébreu de neutraliser durablement les organisations terroristes ayant juré sa perte et s’y employant. Cette variante est, par ailleurs, la seule qui assurerait aux habitants de Sdérot un niveau de sécurité satisfaisant.

Je viens de mentionner "un niveau de sécurité satisfaisant" et me garderai bien de parler du seuil "zéro Qassams". Car, quelle que soit l’option que choisira le cabinet Olmert, il est de mon devoir d’informateur de rappeler à nos lecteurs que, lorsque nous occupions Gaza, des tunnels de contrebande étaient actifs sous la Voie Philadelphie, des assassinats d’habitants des implantations d’alors et des coups de main contre les soldats étaient fréquents, de même que des Qassams s’abattaient déjà sur Sdérot.

Faute de rêver à une bande de Gaza totalement pacifiée, ce qui n’est dans les cordes de personne, l’on peut tout de même envisager une amélioration de la sécurité, relativement à la période agitée 1998-2006. Ce n’est pas que Tsahal aurait découvert des solutions miracles, même si elle dispose de quelques moyens qu’elle n’avait pas en 2006. Non, ce qui a changé, c’est que durant l’occupation précédente, l’autorité théoriquement en charge de la bande était le Fatah, avec lequel Israël est signataire de nombreux accords limitant le recours à la force. Aujourd’hui, par contraste, tout ce qui tient un fusil à Gaza est un ennemi déclaré d’Israël et personne, à part en Syrie et en Iran, ne regretterait sérieusement que l’IDF s’active à démanteler, au fond, les diverses succursales des Frères musulmans qui ont pris le pouvoir à Gaza.

Ce raisonnement nous amène tout naturellement à une autre constatation : Israël, si elle souhaite que sa future opération militaire ait un effet durable, doit soigneusement réfléchir à son prolongement politique. Car il est un axiome qui a été trop souvent laissé pour compte lors des guerres d’Israël – souvent des guerres imposées, des conflits pour sa seule survie – c’est celui qui engage un Etat belligérant à conceptualiser et à agir en faveur d’une issue politique à tout engagement militaire. Faute de réaliser cet effort, les Israéliens ont meilleur temps de préserver leurs soldats, de s’habituer à voir les Qassams tomber sur Sdérot et de se faire une raison.

Cette prolongation politique existe. Elle nous permettrait de prévoir un séjour limité dans le temps à Gaza, ce qui enchanterait l’état-major. A l’armée, alors, de faire son boulot, d’appréhender les leaders islamistes, les cadres des groupes armés, et de détruire les stocks d’armes et de munitions, ainsi que les infrastructures terroristes.

Ensuite, ensuite il faudra songer à passer le témoin à l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas. Graduellement, certes, dans la mesure de sa capacité et de sa volonté à imposer la sécurité générale sur le territoire débarrassé des fanatiques. Je pense à une transmission échelonnée et conditionnelle des pouvoirs, des devoirs et des privilèges, en s’assurant que l’AP projette clairement, à Gaza, un système en route vers la proclamation d’un Etat palestinien pacifique évoluant au côté d’Israël.

Même si Abou R’dayna – cet arafatien indécrottable - criera au massacre durant l’opération à venir, pour le Fatah, elle coïnciderait avec une aubaine inespérée de récupérer Gaza. Un acte en tous points nécessaire, si Abbas et Fayyad entendent sérieusement construire leur pays. Et ils sont totalement conscients de ce que le Hamas ne leur cédera jamais sa place de son plein gré, la Djihad ne connaissant des boîtes à vitesses que la marche avant.

Mais il s’agit également d’un acte inévitable si Olmert et Cie sont authentiques quand ils négocient avec Abbas et les Américains l’érection de l’Etat de Palestine. Dans la situation présente, il est clair qu’Israël ne sacrifiera pas ses soldats pour l’avenir de la Palestine, mais bien pour ramener la sécurité à laquelle ils ont droit à ses administrés. Il est tout aussi clair que l’Etat hébreu aura grand intérêt à demeurer à Gaza le moins longtemps possible, et que, si les dirigeants du Fatah font preuve d’un minimum d’intelligence et de clairvoyance et, accessoirement, de sincérité, ils coopéreront avec Jérusalem afin de faire le meilleur usage de ce cadeau inespéré.

L’idéal serait qu’un contingent, un peu plus que symbolique, de l’AP participe, au côté de Tsahal, à la reconquista de Gaza. En fin de compte, c’est l’AP qui en a été chassée par le sort des armes. Je ne sais si ce "coup de main" intéresse les Israéliens et si Abbas possède le courage et la capacité de le tenter, je sais uniquement que l’affichage officiel de la convergence d’intérêts officieuse ferait avancer la cause de la paix, sur la Carte Routière, plus que toutes les palabres qui ont été échangées à ce jour.

De toutes manières, même si personne, hors de la Ména, n’en parlera aujourd’hui, le retrait d’Israël de Gaza passera par un accord avec Ramallah, c’est inévitable, à moins d’envisager de gérer, sur le long terme, la vie d’un million de Palestiniens hostiles, ou de transférer Gaza à l’Egypte, qui n’en veut surtout pas.

On peut même envisager, une fois que le califat islamique aura été soigneusement déboulonné, l’envoi d’une force européenne et/ou américaine pour aider Abbas à maintenir l’ordre à Gaza. Ce, à la condition sine qua non, à négocier, que le mandat de ce contingent soit limité dans la durée, et que son renouvellement nécessite l’accord, formel et conjoint, de l’AP et d’Israël. Si ce mécanisme n’existait pas, il faudrait renoncer à cette force, face au risque de voir, post-mortem, le rêve sanglant du porte-avions de Yasser Arafat se réaliser à Gaza : imaginez que des terroristes bombardent Sdérot, et qu’Israël soit privée de l’exercice de sa légitime défense par la crainte de blesser un soldat français ou allemand stationné à Bet Khanoun. Imaginez que ce scénario cauchemardesque se répète jour après jour, et que les Palestiniens se mettent à bombarder Ashkelon et Ashdod…

Mais avant de mettre en branle la prolongation politique de l’opération de Tsahal, il faut encore qu’elle se produise. Ainsi que je l’ai écrit, elle est désormais inéluctable ; elle est ce que les Israéliens doivent à leurs compatriotes de Sdérot et des kibboutzim, même si, vue de l’angle d’un tacticien, elle n’aura rien d’une promenade de santé.

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