dimanche 10 septembre 2006

J'en ai marre des Juifs !

Je viens de lire l'article du Devoir repris du Monde de Gideon Levy et je veux dire que j'en ai marre des Juifs.

Ce type d'article peut nous faire comprendre qu'un pogrom, ou un massacre à la machette ne commence pas par une foule en folie qui commet des atrocités. C'est un processus long qui commence par des mots. S'il y a une remontée de l'antisémitisme dans le monde, c'est parce que des mots sont trop facilement utilisés, et que ces mots font mal aux différentes communautés juives, mais surtout qu'ils libèrent de bas instincts, brisent des tabous et préparent, inexorablement si on ne fait rien, à un passage à l'acte.

Aujourd'hui trop de personnes disent des mots trop durs contre Israël et en cela ils mettent les Juifs où qu'ils soient en danger. Je pourrais démonter point par point l'article de Levy mais c'est long et je suis paresseux. De toute façon, au contraire de ce que raconte Le Monde, Gideon Levy s'est fait remonter plusieurs fois les bretelles parce qu'il racontait n'importe quoi . Il fait partie des 15 mêmes intellectuels "Juifs" qui hurlent leur haine envers Israël sur tout les campus du monde et souvent dans des journaux israéliens.

Ces Juifs servent essentiellement de prétexte ou de bonne conscience à des fanatiques qui peuvent dire : "Vous avez vu, je n'ai pas dit quelque chose d'antisémite puisque Monsieur Samuel Goldberg ici présent dont toute la famille a été décimé par les nazis dit la même chose que moi". Comme si les propos antisémites étaient seulement l'apanage des gentils. Comme si critiquer injustement Israël mais condamner la Shoa signifiait que l'on est prêt à protéger les Juifs ici et maintenant.

Pour certains, les Juifs de 35 kilos de la Shoa, les Juifs brûlés de l'inquisition, les Juifs empalés des croisades, les Juifs crucifiés des Romains sont devenus en Occident (en Orient on s'en fout) des Juifs fourre-tout qu'on peut pleurer, plaindre comprendre et défendre maintenant avec vigueur sans prendre de risque. Mais ils ne sont plus des hommes de leur temps massacrés par d'autres. Ils n'ont surtout aucun rapport avec les Juifs d'ici et maintenant. Donc, comme ces Juifs d'ici et maintenant sont impérialistes, sanguinaires, arrogants, soutenus par Bush, va-t-en guerre, puissance nucléaire, génocidaire du peuple palestinien et dernièrement destructeur du Liban je ne vois pas pourquoi on se gênerait pour les tancer vertement ces "nouveaux juifs", les caricaturer dans les journaux à peu prés comme on le faisait dans les années 30 et à les accuser de meurtre d'enfants, presque rituel, comme au Moyen Age.

Mais peut-être que les Juifs n'ont pas changé qu'ils n'ont jamais été ce mythe et qu'à force de les défendre du péril précédent, on oublie confortablement de les défendre du péril actuel. Défendre les Juifs aujourd'hui et comprendre les pogroms ou l'inquisition, ce n'est pas poser une stèle au coin d'une rue ou visiter Auschwitz, c'est a être un bouclier humain à Haïfa, c'est organiser une manifestation en plein coeur de Damas pour la défense de Tel Aviv, c'est quitter une manifestation quand on y dit que les Israéliens font un génocide. Bref, il faut un courage insoutenable. Il est toujours plus facile de fanfaronner devant la tombe d'un nazi mort il y a 65 ans que d'argumenter avec un miltant du Hamas sur la rue Saint-Denis.

En effet, qui peut avoir le courage de dire que le peuple palestinien, malgré la réalité de ses souffrances, est le seul peuple "génocidé" de la terre qui s'est multiplié par 3 depuis le début du génocide, dont l'espérance de vie est de 73 ans (ce qui est inférieur à Algérie). Qui peut avoir le courage de comparer ces chiffres à d'autres : le nombre de fois qu'à augmenter la population arménienne vivant en Turquie entre 1915 et 1916, le taux de mortalité infantile des Juifs du ghetto de Varsovie, l'espérance de vie d'un Four au Darfour et utiliser encore le mot "génocide" à torts et à travers.

Le problème principal n'est pas seulement que Levy, comme les autres, présentent des informations factuelles fausses, tronqués ou biaisées, ou qu'une série d'anecdotes poignantes soient érigés en axiome (j'ai parfois moi aussi ce travers) mais que ces commentaires sont dangereusement erronés. Un exemple parmi tant d'autre pris dans l'article du Monde:"«Sarajevo, dit-il, est à Rafah.» Il en sait quelque chose : son journal l'y a envoyé, pendant la guerre en Bosnie.". L'analogie entre la Yougoslavie et la bande de Gaza est reprise aussi à une autre occasion (il faut bien enfoncer un clou). Lorsque je lis ça moi, qui ne connaît rien à la guerre en ex-Yougoslavie, je me dis : "il y a là-bas (à Rafah) un massacre, un nettoyage ethnique, une catastrophe humanitaire sans précédent, bref un génocide".

Alors j'ai fait un peu de recherche et je me suis demandé combien il y avait eu de morts à Sarajevo durant le siège de 1992 et combien il y avait eu de mort Palestiniens depuis... un certains temps.

Pour opérer le décompte j'ai utilisé Wikipedia et compté le nombre de morts arabes pour chaque conflit. Pour la guerre d'indépendance j'ai estimé que 15% des morts et blessés étaient des morts palestiniens (ce qui est une grosse surestimation) pour les guerres où les Palestiniens n'ont pas participé 5% des pertes et pour la première guerre du Liban 35% des pertes (ce qui est une complète exagération), pour les autres conflits nous avons des chiffres précis mais gonflés à la hausse.

Résultat des courses : j'ai une immense honte d'être obligé de faire ces comptes d'apothicaires macabres (en considérant des être humains comme des statistiques pour m'assurer qu'un militant de la cause palestinienne ne fait même pas bien son boulot ) et je suis stupéfié par les résultats.

  • Il y a eu 10 000 morts à Sarajevo en 22 mois de guerre (1992-1994)
  • Il y a eu environ 13 500 Palestiniens morts en 58 ans de guerre contre Israël (1948-2006).

Même la meilleure des causes ne devrait pas permettre à Gideon Levy, au Monde ou au Devoir, de tordre la réalité par ces surenchéres réthoriques, qui frôlent la propagande, de tromper des lecteurs et de propager le feu de la haine contre un pays tout en désservant au final les attentes des Palestiniens eux-mêmes.

Dire "génocide" (ou évoquer cette image) pour parler d'un conflit sanglant ou parler de "massacre" pour décrire un bombardement c'est non seulement faire violence au langage mais c'est aussi céder à la tentation de détruire le sens du monde. Les discours fascistes sont toujours remplis de pathos, de certitude et de slogan plutôt que de réflexion. Gideon Levy est un idéologue qui confond culpabilité et éthique.

Il y a assez de façon de défendre la paix, le droit et de tisser des liens entre Palestiniens et Israéliens sans utiliser de telles méthodes. Bref qu'on le veuille ou non, dire n'importe quoi sur les israéliens cela va avoir des conséquences sur les Juifs qui habitent de l'autre côté de la rue.

Est-ce qu'il faut se taire me demanderont des journalistes ? Certainement pas, faites votre travail, informez-nous ! Vraiment !